Près des remparts de Séville…

ce que j’aimerais pour 2022…

“Est-ce que tu crois que les toreros/ font juste ça comme un boulot/ et qu’sur leur costume à la con/ c’est leur mère qui recoud les boutons”

Sanseverino “Frida”

De quoi rêvez-vous pour 2022?

Je rêve d’insouciance, de chaleur, et de jacarandas, et peut-être aussi de fête, de vraie fête. Je rêve que je suis de nouveau à la feria de Séville, une année où elle n’aurait pas de risque d’être annulée, que je déambule encore, les yeux émerveillés, sur les berges du Guadalquivir, près de la Plaza de Toros, et dans les rues entre les casetas, à admirer les équipages, les cavaliers et cavalières en livrée grise et chapeau noir, les belles du jour dans leur robe qui s’ouvrent sur leurs chevilles comme des corolles de fleurs. J’accueille émerveillée cette débauche de couleurs, de sons et de joie.

Je rêve du ruban en latérite bordé de cocotiers de la route des pêcheurs. Je rêve que je vais enfin pouvoir visiter le palais d’Abomey. Je rêve d’apercevoir un lamentin dans la lagune de Porto Novo, chevauché par un Zangbéto.

Je rêve de voir un jour Hanoï et le Vietnam, pays dont sont partis mes grands parents. Je rêve de pouvoir aller avec ma mère, sur la tombe de ces derniers au cimetière de Bel-Air à Dakar, pour son quatre-vingtième anniversaire.

Je rêve de retourner au Parc Kruger, à Jobourg et Cape Town, de marcher entre Cape Point et ce Cap de Bonne Espérance dont le nom illuminait les livres de géographie de mon enfance.

Je rêve de réentendre les cris des singes hurleurs, et d’apercevoir un vrai quetzal dans la forêt brumeuse, de nager dans les rouleaux de Playa Pemca, au nord de Tamarindo. Je rêve de refaire un tour à Chichicastenango en pays Maya et de voir miroiter le lac Altitlàn sous le soleil.

Je rêve d’un monde où voyager devient de nouveau possible, où parcourir les continents n’est pas une course d’obstacles, où la confrontation avec les autres me font grandir en humanité et en foi en l’être humain.

Je rêve que cette année 2022 soit, pour nous tous, un début et non pas une fin, que s’éloignent les visions d’apocalypse, et que se nouent de nouvelles aventures, sous le signe de la joie et du partage, et d’une humanité grandie.

Et vous, quels sont vos rêves pour 2022? A très vite!

Voyage, voyages…

Ce qui me manque le plus de ma vie d’avant la pandémie…

“Pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes,

L’univers est égal à son vaste appétit.

Ah, que le monde est grand à la clarté des lampes!

Aux yeux du souvenir que le monde est petit!”

Charles Baudelaire. Le voyage

Les voyages me manquent.Quelques jours avant le second confinement, j’ai dû faire refaire mon passeport, étant arrivée à épuiser les pages destinées aux visas. J’avais encore en perspective un déplacement en Afrique. C’était le moment idéal pour refaire un passeport! Il m’a été livré en un temps record. J’ai dû rendre le précédent, me privant du plaisir de regarder une fois encore ces souvenirs de mes tribulations des dernières années. Et bien cela m’a affectée plus que je ne l’aurais cru!

Il m’arrivait parfois de feuilleter les pages de la rubrique “visas” de mon précieux viatique, comme Frodon son anneau magique, juste pour le plaisir de revoir les marques tamponnées à l’encre et paraphées au stylo bille, qu’y ont laissées les autorités aéroportuaires ou les services consulaires. Fioritures, photos d’identité intégrée, kryptogrammes… Telle Dom Juan égrenant ses conquêtes, j’étais heureuse de revoir ces traces de mes périgrinations passées.

Depuis le mois d’octobre, aucun visa n’est venu troubler les pages désormais vides de mon nouveau passeport, plus vierge que Jeanne d’Arc. Pas le moindre projet de sortir du territoire national! Les années précédentes, à cette période de l’année, j’avais toujours en ligne de mire quelques escapades plus ou moins lointaines. L’an dernier je m’apprêtais à m’envoler pour le Bénin, pour un voyage professionnel où j’ai pu profiter d’un week-end pour avoir un aperçu moins partiel que lors des déplacements planifiés. Adjarra la ville des tambours, Porto Novo, Ouidah, la Côte des Pêcheurs découverts avec une jeune collègue béninoise et le meilleur chauffeur/guide de Cotonou, m’ont laissé des moments d’émerveillement et de joie profonde.

Rien de tout cela cette année. Je pourrais jouer les vertueuses en prétendant que je m’en réjouis pour mon bilan carbone. Il n’en est rien. Les voyages me manquent, avec le contact avec l’imprévu qu’ils procurent, le frisson de l’inconnu, les rencontres -j’assume les clichés! Je maudis -tout en comprenant les raisons du gouvernement mauricien- les retrouvailles sans cesse repoussées pour cause de fermeture des frontières, avec ces antipodes qui sont devenus ma seconde maison. Cet ailleurs où j’aime regarder le rayon vert apparaître à l”horizon, alors que le soleil se couche sur la baie de Tamarin, et voir pousser les manguiers plantés il y a douze ans dans mon jardin. Je porte le deuil (temporaire) des projets de retour en Afrique du Sud pour retrouver les amis et faire, encore une fois un tour au Kruger, et du premier voyage au Vietnam que nous avions commencé à planifier, avant l’arrivée du virus couronné.

La leçon la plus cruelle de la pandémie pour moi, et je réalise combien je suis chanceuse, c’est ce sevrage brutal avec cette possibilité de parcourir le monde. Certes, j’ai la chance d’habiter un pays où la variété des territoires est incroyable, et que je connais finalement peu. J’ai découvert la Normandie alors que sa proximité de Paris me paraissait autrefois une source d’ennui profond. J’ai appris à apprécier les colombages, les grandes bâtisses des haras, les plages de la Manche et leurs cieux aux cent cinquante nuances de gris. J’ai découvert Cognac et Oléron, Saint-Jean du Gard et Nîmes, le Mont St Michel et Saint Malo, j’ai arpenté la dune du Touquet et dégusté des huîtres et des coques sur les bords du Golfe du Morbihan.

Que demander de plus?