Et vous, vos chiens, ils mulotent ?

Aujourd’hui je vais vous parler d’une guerre. Non, pas celle à laquelle vous pensez tous, sur laquelle je ne suis pas qualifiée, mais une guerre menée par une institution très représentative de la France avec un grand A: l’Académie Française. L’Académie Française est en guerre, je l’ai lu dans le Figaro, elle est en guerre contre le franglais. Les français auraient renoncé à utiliser les ressources de notre belle langue. Ils ont rendu les armes et emploient à tout bout de champ d’horribles locutions venant d’outre-Manche, voire d’outre-Atlantique, Saint de Gaulle, priez pour nous!

D’accord, j’ai l’ironie facile, je vous le concède. Surtout qu’une anecdote récente m’a donné conscience de ce que nous abandonnons, par paresse et par invasion de nos univers de représentation par des phrases toutes faites, révélant des modes de vie uniformément lissés. J’ai eu un de ces “moments de grâce” autrefois vantés par une ministre jadis sujette aux emportements extatiques dans la ligne 13 du Métro, lorsque j’ai découvert par hasard le mot “muloter”. Une épiphanie lexicale!

La première fois que j’ai entendu le verbe muloter, c’était il y a a quelques jours, dans la bouche d’un homme en pantalon et veste de travail coordonnée, grise avec des bandes réfléchissantes qui s’affairait à remplacer le moteur défaillant d’un des battants du portail du grand jardin que nous avons acheté en Normandie. Il avait garé son véhicule sur l’emplacement en graviers et en avait laissé sortir Nino, un sympathique bâtard un peu rondouillard, probablement croisé de beagle et d’épagneul, qui folâtrait à côté de lui.

Heureusement que je tiens mes chiens à l’intérieur, lui dis-je pour converser – l’homme n’était pas très expansif – ils n’aiment pas tellement leurs congénères! Oh mais Nino est très cool, me répondit-il en regardant son fidèle compagnon. Les miens moins! De toute façons, je suis obligée de les enfermer, sinon il creuseraient jusqu’en Chine, ce ne sont pas des terriers pour rien! Ah, ils mulotent vos chiens? Nino aussi, il mulote, mais il n’a pas beaucoup de succès! Les miens non plus, ça ne les empêche pas de creuser! L’homme s’absorba dans sa tâche, et je partis faire autre chose en gardant, comme une trouvaille précieuse ce nouveau mot: muloter…

Les jours suivants, je l’ai roulé dans ma tête et l’ai répété tout bas, muloter, muloter, muloter. Je voulais le sentir, le ressentir. Je mulote, tu mulotes, elle mulote, nous mulotons, vous mulotez, ils mulotent… J’avais étendu mon vocabulaire d’un trésor supplémentaire, et j’en ressentais une joie profonde. J’avais l’impression qu’on m’avait fait un cadeau, un néologisme génial venant de ce monde rural que je découvre avec bonheur ces derniers temps. Je développe probablement un syndrome de Marie-Antoinette, mais cette nouvelle installation me réjouit beaucoup, malgré l’hiver, les silhouettes griffues des arbres, et la nuit, qui tombe d’un seul coup, et qui enveloppe tout d’un manteau noir.

Rentrant à la maison, j’eus quand-même eu un doute, et avisais le Littré dans la bibliothèque. J’ouvrais le volume et paf! que trouvé-je pile entre mulot et mulquinier, je vous le donne en mille !

“Muloter / mu-lo-té / v. n. Terme de vènerie. Se dit du sanglier qui fouille les caveaux du mulot pour se renaître du grain qu’il y trouve amassé. / Se dit d’un chien de chasse qui s’amuse à déterrer les mulots. Un limier mulote lorsqu’il s’arrête sur tout ce qui se rencontre, lorsqu’il gratte la terre sur les trous de taupe ou de mulots. “

Littré

Ce n’est pas un néologisme, mais un verbe tout ce qu’il y a de plus officiel, inscrit dans ce monument de la langue française qu’est le Littré. A l’heure où la pratique de la chasse fait question, c’est tout de même intéressant de constater que cette activité volontiers décriée, est aussi productrice d’une certaine connaissance de la nature… Sans l’expérience de la vènerie, il n’y aurait pas besoin de définir le mulotage. Et vous vos chiens, ils mulotent?

Zanzibar, une autre idée du paradis?

La littérature, c’est bien connu, est une alliée précieuse du voyage. Plus que ces guides à grand tirage, on devrait toujours avoir dans ses bagages des ouvrages des romanciers locaux…

La première fois que je vis Zanzibar, c’était en 2002. Le coup de foudre ne fut pas immédiat. Il faut dire que nous avions été pris en charge dans un taxi hors d’âge à l’aéroport, après un long périple via de Nairobi, et qu’à cause de troubles politiques – il y avait une manifestation en cours dans le coeur de la vieille ville- le taxi nous avait déposés, en pleine chaleur de début d’après-midi, à un endroit de sa connaissance en nous disant qu’il fallait continuer tout droit, avec nos valises dans les rues poussiéreuses, pour trouver notre hôtel, sis dans une ancienne demeure omanaise.

Le chauffeur ne pouvait pas aller plus loin dans la ville, le périmètre, nous dit-il, était bouclé par la police. Il nous conseillait de ne pas traîner. Nous avons donc parcouru ce qui m’a paru une distance considérable, mais qui ne devait pas excéder le kilomètre, dans une rue où toutes les maisons étaient fermées – pour se protéger de la chaleur ou par peur des débordements?- avec en fond sonore les bruits des rondes d’hélicoptères de la police tanzanienne qui surveillaient la ville. Arrivés à l’hôtel, nous avons été installés dans une chambre aux murs peints en bleu délavé et aux meubles en bois sombre, avec une grande partie ouverte sur l’extérieur. La salle de bain en plein air donnait en contrebas sur un temple indien.

Epuisés par le périple, nous avons suivi le conseil du réceptionniste de l’hôtel de ne pas sortir avant le lendemain matin, afin de nous assurer que les troubles étaient bien terminés. Nous avons pris un verre et sans doute grignoté quelque chose le soir, sur la terrasse du toit de l’hôtel, en écoutant, à la lueur magique du soir déclinant, une polyphonie d’appels à la prière s’élever de tous les quartiers de la ville. Nous devions passer deux jours à Stone Town avant d’aller à la plage au nord de l’ïle.

La lendemain, la vieille ville nous ravit de son charme fané, ruelles étroites, bâtiments en pierre de corail aux enduits fatigués et portes monumentales sculptées et ouvragées. Nous avons flâné dans les rues, admiré les empreintes africaines, indiennes, omanaises et coloniales dans cette petite cité aux nombreuses boutiques en rez-de-chaussée de commerçants aux origines variées. Nous avons découvert le front de mer, et le port dans les eaux duquel allaient et venaient les boutres à voile faisant penser aux livres d’Henri de Montfreid et d’Hugo Pratt. Pour se rafraîchir, des enfants rieurs sautaient des rochers dans les eaux de l’océan Indien.

Je me souviens du Blues café, établi sur une jetée, où l’on pouvait se restaurer en regardant, dans l’eau turquoise translucide sous les piliers, les demoiselles et les poissons anges tournoyer en attendant des reliefs de nos repas, et où passait en boucle un 33 tours du groupe suédois ABBA – c’était avant le streaming!. Le restaurant offrait un poste d’observation de premier ordre sur le front de mer, les déambulations des passants, employés ou commerçants, familles ou groupes de jeunes, et des marchands massaï à l’affût des touristes.

Malgré tout, je me pris de bec avec un jeune garçon dont nous avions accepté étourdiment qu’il nous serve de guide et qui commença à nous débiter des banalités sur l’esclavage qu’il restreignait à la traite transtlantique. “You know Maam, why there are black people in America? Because evil white people took them from here, to work as slaves in America.” Je lui répondis sèchement que, d’une part, une grande proportion des esclaves en Amérique venaient des côtes ouest de l’Afrique, en témoignaient les vestiges mis en avant de l’île de Gorée, au Sénégal, jusqu’aux côtes angolaises, et que, vue la mainmise des sultans omanais sur l’île des siècles avant la traite transatlantique, l’esclavage n’avait pas été importé par les blancs, mais était d’abord le fait des arabes. “We made peace with them.” me répondit-il insolemment…

Je n’appréciai pas non plus l’écriteau dans notre lodge de Nungwi, nous demandant de ne pas descendre en maillot sur la plage pour ne pas indisposer les indigènes. Nous avions choisi un écolodge, tenu par un kenyan blond qui communiquait avec son staff en swahili, des paillotes simples sur une plage aux teintes d’aquarelle dont la mer d’un turquoise translucide se retirait à des kilomètres à marée basse, laissant apprécier le sable blanc et fin, et qui présentait trop de vagues à marée haute pour être vraiment baignable. Le village était à plus d’un kilomètre, et les risques de croiser et d’indisposer un indigène, à part ceux travaillant pour le lodge qui devaient être habitués aux excentricités des occidentaux rougissant au soleil de l’équateur. Mais une fois lu l’écriteau, je ne me sentais pas de ne pas en respecter la consigne… Je me souviens de longues balades sur la plage nous menant au village pour voir rentrer les bateaux de pêche dans des tableaux à faire pâlir les aquarellistes. Dès qu’on s’éloignait de la plage pour aller vers le village en revanche, on était frappé par la nudité des lieux, le terrain de foot à peine délimité et les sacs plastique en lambeaux qui fleurissaient les buissons d’épineux secs où broutaient les chèvres qui abondent dans ces paysages.

L’image d’Epinal de l’île aux épices ne résistait pas devant les vues de la ville nouvelle de Zanzibar, collection d’immeubles en béton mités par la salinité de l’air marin, ni celles de ces petits villages de pêcheurs aux quelques bâtisses basses sans charme. Zanzibar a laissé une forte impression sur ma rétine, ces paysages à aquarelles et cette architecture composite ne peuvent qu’exercer une séduction efficace. Si on sait ignorer les ombres ourlant le tableau…

J’aurais apprécié, alors, de pouvoir lire les romans d’Abdulrazak Gurnah, prix Nobel de littérature 2021, pour mieux apprécier cette île complexe. J’ai fini la semaine dernière “Desertion”, un roman situé à Zanzibar. Le récit, bizarrement construit, retrace à la fois les amours clandestines de Pearce, un aventurier anglais, et Rehanna, native de l’île, dans les années 1920, et les trajectoires de Fatima, Amin et Rashid, une fratrie dans la Zanzibar à la fin de la colonisation britannique. On comprend plus tard la juxtaposition des deux histoires, les amours contrariées de Pearce et Rehanna donneront naissance à la mère de Jamila, amour impossible d’Amin quarante ans plus tard. C’est un roman d’initiation désabusé, où se lit l’impossibilité d’exprimer son individualité dans une île corsetée par un islam qui régit toutes les relations sociales. Tenir son rang et ne pas faire honte à sa famille et à ses parents y est plus important que s’épanouir en tant qu’individu. Sur l’île, il est mal vu de transgresser les limites entre les communautés, on peut être musulman d’origine indienne, arabe ou africaine, mais on se marie entre soi dans son ethnie d’origine.

L’amour, grand sujet des romans occidentaux depuis “La princesse de Clèves”, n’a pas droit de cité.

Love was something transgressive and ridiculous, an antic, or at best an exploit.

Gurnah, Abdulrazak. Desertion. Bloomsbury Publishing.

Les hommes et les femmes jouent des rôles immuables, et vivent des vies modestes et dignes. Rashid, le narrateur est le seul à s’enfuir, à la faveur d’une bourse d’étude obtenue en Angleterre. Il vivra un exil extérieur et intérieur dans ce pays qui finit par devenir un peu le sien, par les hasards de la grande histoire. Ce qui fait le sel de ce roman, c’est, plus que ces histoires individuelles, la façon dont elles sont imbriquées à l’histoire de l’île, faisant apparaître sa composition, son impossible colonisation, ses maisons en ruines, ses espoirs déçus, le coup d’Etat tanzanien, et son corollaire, l’annexion de Zanzibar par son grand voisin. La junte au pouvoir empêchera Rashid de rentrer voir les siens pendant des années.

Quel dommage que je n’aie pas eu connaissance des écrits d’Abdurazak Gurnah plus tôt. Sans doute aurais-je plus apprécié ma visite sur l’île et mieux compris ce qui s’y tramait. J’aurais compris pourquoi l’annexion de ce qui était alors le sultanat de Zanzibar avait été mal vécue par une population qui ne se sentait pas d’attache particulière à la Tanzanie. Comment cette annexion avait laissé des traces dans la population, se reveillant, comme des cicatrices mal guéries, à l’approche des élections, causant ces troubles qui nous ont surpris. Et puis le regard de l’auteur sur un monde occidental très imbu de lui-même, sa réécriture de l’histoire coloniale sont très révélateurs et incitent à la réflexivité. Comme l’écrit Rashid, le narrateur, qui est un double de l’auteur, ce sont des histoires qui s’emboîtent dans d’autres histoires qui tiennent tout lié. Une façon, en passant par le biais de ces mésaventures amoureuses de deux couples séparés par deux générations, de brosser les traits d’une, île Zanzibar, dont l’histoire complexe est trop souvent gommée au profit du narratif béat vantant ses qualités esthétiques ou récréatives.

Faut-il célébrer les quatre cents ans de Molière?

Molière a quatre cents ans. J’ai lu dans le journal Le Monde que d’aucuns, dans sa propre maison, la Comédie Française, se seraient posé la question de ce qu’il fallait en faire. Ses pièces ne sont-elles pas un peu datées? Molière n’est-il pas moins subtil que Marivaux? Il n’était pas toujours très tendre avec les femmes, Molière! Une vraie féministe peut-elle lui pardonner “Les précieuses ridicules” et “Les femmes savantes”, des pièces où il moque des femmes désireuses de s’instruire? Peut-on, doit-on, fêter Molière dont les valeurs ne cadreraient plus avec une époque éprise d’une diversité que son siècle ignorait, tout tourné qu’il était vers un roi Soleil qui promulga en 1685 le Code Noir, accélérateur de la traite transatlantique.

La première fois que j’ai entendu parler de Molière, enfin de Jean-Baptiste Pocquelin, fils de tapissier, plus connu sous le nom de Molière, c’est à Cansado, dans le salon de notre maison. Maman nous avait acheté une série de livres disques éducatifs de la collection du Petit Ménestrel, et parmi ceux-ci, il y avait un disque sur la vie de Molière avec des extraits de spectacles enregistrés à la Comédie Française.

Comme j’ai pu rire en entendant la scène de ménage entre Martine et Sganarelle, au début du “Médecin malgré lui”, la scène où Scapin feint l’enlèvement de son jeune maître pour soutirer de l’argent à son père “que diable allait-il faire dans cette galère?”, la scène de l’avare où Arpagon cherche sa cassette “au voleur, à l’assassin, il est là, je le tiens!”, et la scène où Louison vend la mèche sur les amours de sa grande soeur à son malade imaginaire de père. J’ai été émue à l’écoute du dialogue entre Arnolphe et Agnès dans “L’école des femmes”. Pourquoi un vieil homme voudrait-il épouser cette jeune innocente? Cela n’était pas totalement décalé avec la réalité du pays où j’habitais et où il arrivait qu’on marie les filles à peine pubères. J’ai écouté ce disque des dizaines de fois, il finissait par crisser – il faut dire que le sable omniprésent n’arrangeait pas un vinyle déjà soumis à l’usure naturelle – et je crois qu’à la fin je le connaissais par coeur. Je lui dois sans doute mon amour du théâtre, longtemps imaginé, avant de passer la porte de la rue de Richelieu, des années après, lorsque je suis devenue parisienne.

Mon second contact avec Molière, ce furent les quatre tomes de ses pièces, dans la collection Garnier Flammarion, achetés par maman à la librairie Clairafrique de Dakar. Les ai-je lus et relus aussi! J’aimais ces dialogues vifs et bien troussés, ces personnages qui se dessinaient derrière ces lignes écrites en petits caractères. J’étais en cinquième, je préférais “le Médecin malgré lui” et le “Bourgeois Gentilhomme” aux plus compliqués “Dom Juan” ou “Tartuffe” qu’il me faudrait plus de temps pour apprécier.

Molière a accompagné ma scolarité dans le secondaire. On étudiait alors une pièce par an dans ces éditions scolaires pour lesquelles chaque professeur avait sa préférée, ce qui nous a valu d’en avoir , à la maison, au moins trois versions différentes, à la grande incompréhension de ma mère… J’ai encore en tête certaines des tirades apprises par coeur pour le cours de monsieur Irolla, inoubliable professeur de français de mes années lycée, qui nous les faisait déclamer sur l’estrade, à côté de son bureau. Pour certains c’était un supplice. J’aimais bien donner la réplique aux malheureux cloués au pilori. “Et Tartuffe?”

J’ai retrouvé Tartuffe en Afrique du Sud. Il y a quatre ans. Sylvaine Stryke, une sud-africaine sponsorisée par l’Institut Français en avait fait une mise en scène pour le Joburg Theatre. Nous y avions invité les jeunes de Sizanani et leur mentors. J’ai été frappée par la pertinence de la pièce dans un contexte sud-africain, et par la façon dont l’intrigue et les dialogues sonnaient particulièrement juste dans ce contexte.

Un (faux) dévot invoquant Dieu à toutes les sauces mystifie un père crédule tout en courtisant sa jolie (seconde) épouse, voilà qui ne surprendrait pas dans un township! Des amours contrariées de jeunes tourtereaux, pour lesquels le mariage est impossible sans l’assentiment de la famille et des échanges d’argent, tristement courant! Une domestique familière n’ayant pas sa langue dans sa poche et disant leur fait à tous les membres de la maisonnée, une habituée des beaux quartiers ? Les domestiques y sont les meilleurs amis/ennemis des familles, dont elles connaissent les plus intimes travers. La metteuse en scène avait voulu choisir ses acteurs dans toute la palette de la nation arc-en-ciel, pour présenter une famille métissée, et la pièce a fait mouche. Cela se voyait aux sourires, et aux visages réjouis des spectateurs. “I may be pious, but I’m still a man”… “Pour être dévot, je n’en suis pas moins homme”!

L’universalité de Molière m’a surprise ce soir-là, au Joburg theatre. J’ai été émerveillée que ses messages puissent passer aussi bien, malgré les différences de contexte. Les hypocrites gouvernent toujours le monde. Les bigots prospèrent, et la religion (ou l’apparence de religion) conduit, ici comme aux antipodes, à des attitudes déraisonnables quand, au lieu de questionner l’esprit, on se contente d’appliquer la lettre. J’ai revu cette fois où Véro, l’animatrice de Sizanani, motivant les jeunes pour le Matric (le bac sud-africain), avait fini par dire aux étudiants que ce n’était pas la peine que leurs Gogo (grands-mères), s’usent en prières tous les dimanches à l’église pendant des heures. L’obtention du Matric est plus sûrement une histoire de travail que de miracle (et peut-être de décision du ministre de l’éducation d’accorder un “pass” à 40% de réussite aux épreuves).

Molière aussi, me vint à l’esprit lorsque cette amie sociologue, éduquée à l’Université de Cape Town m’avait raconté la réaction de sa mère lorsqu’elle avait envisagé de s’inscrire en doctorat. “Mais tu ne trouveras jamais de mari!”. Les femmes savantes, ici et là-bas, font encore peur. Une femme éduquée, c’est une hérésie: “Nos pères, sur ce point, étaient gens bien sensés,/ Qui disaient qu’une femme en sait toujours assez / Quand la capacité de son esprit se hausse / A connaître un pourpoint d’avec un haut de chausse.”

C’était une redécouverte assez délicieuse que de voir que l’oeuvre d’un homme, qui a voulu “peindre d’après nature” le portrait de son temps, arrive à toucher, trois siècles et demi après, les coeurs de jeunes gens d’un autre continent.