Le risque zéro n’existe pas…

Alors que l’ïle Maurice se déclarait “Covid free” depuis le mois d’octobre 2020 et avait mis en place une quatorzaine stricte, une seconde vague a émergé en mars 2021…

L’île Maurice en fait l’expérience ces jours-ci. On aurait pourtant pu, jusque là, décerner un brevet de bonne conduite au gouvernement de cette île pour sa gestion certes prudente, mais plutôt réussie, de l’épidémie dont il a pu, somme toute, préserver sa population.

Fin janvier 2020, au tout début de l’épidémie mondiale, le gouvernement mauricien adopte une politique de contrôle des voyageurs venant de Chine. Ceux-ci sont soumis à une quatorzaine obligatoire à leur arrivée. La mesure est étendue rapidement aux voyageurs provenant du Japon et de Corée du Sud. A partir du 2 février, les ressortissants de ces mêmes pays n’ont plus le droit de rentrer sur le territoire mauricien. A partir de la mi-mars, de nouveaux cas sont déclarés chaque jour.

Le gouvernement prend alors la décision d’un confinement strict de la population, fermeture de tous les commerces non-essentiels, droit de sortie pour l’approvisionnement règlementé (chaque jour certaines lettres de l’alphabet). Mi-mai, la première vague est jugulée. Le 17 mai 2020 le premier ministre Pravin Jugnauth peut aller fièrement déclarer à la télévision nationale que l’épidémie est jugulée, aucun nouveau cas n’a été déclaré depuis vingt jours. Durant la première séquence, 332 cas positifs ont été détectés et dix morts ont été déplorés. Pour une île qui compte 1,26 millions d’habitants.

Le gouvernement décide de rouvrir progressivement le pays. Les avions cargos continuent à pouvoir atterrir en suivant des protocoles sanitaires stricts et jusqu’au mois de septembre, seuls les résidents mauriciens peuvent rentrer. A partir du 1er octobre 2020, les non-résidents peuvent de nouveau venir à Maurice mais doivent observer une quarantaine stricte dans un hôtel figurant parmi la liste habilitée pour cela par le gouvernement, et à leurs frais.

Conscient des réticences que cela peut avoir sur les arrivées touristiques, le gouvernement met en place un nouveau visa pour les longs séjours, visant une clientèle de retraités ou de travailleurs nomades, fuyant l’hiver de l’hémisphère nord, les zones touchées par l’épidémie, garantis de trouver sur ce petit bout de paradis tropical un univers “covid-free” avec chaleur, restaurants ouverts et lagons turquoises.

La quatorzaine, selon un protocole bien rôdé, avec du personnel soumis à un certain nombre de contraintes et régulièrement testé, a permis pendant un temps de découvrir et de confiner les cas positifs avant de ne laisser partir que les personnes négatives. Un temps, le gouvernement mauricien a cru avoir trouvé la parade. Hélas, les protocole s’est-il relâché? Y-a-t-il eu des passe-droits, des “trous dans la raquette”?

Depuis début mars, les cas Covid détectés à Maurice ne sont plus uniquement le fait de personnes en quatorzaine venant de zones contaminées, mais qu’on découvre de plus en plus de cas dans la population locale n’ayant pas été en contact avec des personnes en quatorzaine. Le gouvernement prône la prudence dans les rassemblements, mais début mars a lieu la semaine de festivités de Maha Shivaratree, la grande fête dédiée au dieu hindou. Durant cette semaine, des groupes de pélerins marchent jusqu’au temple de Ganga Talao, à Grand Bassin, dans le sud de l’ïle, et de grands rassemblements de prière sont organisés sous des tentes pour éviter les pluies de saison.

Devant la hausse quotidienne du nombre de cas locaux, le service de santé essaie de tracer les contacts et d’identifier les clusters à tester. Le premier cluster identifié est chez un importateur de fruits et légumes, le second un rassemblement de prière dans le centre de l’île, puis le troisième un collège de Curepipe, puis enfin une école maternelle. Le 6 mars 2021 le premier ministre décide une fermeture des frontières aux voyageurs, les structures de quatorzaine devant absorber une partie des cas identifiés et des cas contacts. Le 10 mars 2021 un second confinement est décrété.

La politique de tests et de traçage a permis de découvrir de nouveaux cas dont aucun n’est grave. Au 18 mars 2021, il y avait 153 cas de personnes positives au Covid 19 identifiées, dont seulement dix parmi les personnes effectuant une quarantaine. Le virus est donc bien présent dans la population.

Le gouvernement peut compter sur le confinement pour casser la dynamique de l’épidémie comme il l’a fait pour la première phase. En revanche, cet épisode va sans doute l’inciter à être moins frileux sur la politique de vaccination, pour une population volontiers acquise aux thèses complotistes, et qui jusqu’à présent n’était pas très réceptive. Il va lui falloir déployer des trésors de pédagogie et de persuasion. Le cas d’école mauricien montre bien que, malgré les facilités que procurent l’insularité et l’isolement, il n’y a pas de risque zéro!

Pas d’hésitation, vaccination!

On ne naît pas femme…

Quelques réflexions à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes.

C’est le retour du mois de mars, les jours rallongent, les jupes raccourcissent et les jonquilles remplacent les perce-neige et les crocus sur pelouses engourdies par l’hiver. Comme tous les ans nous allons être abreuvé.e.s d’initiatives de tous poils aux alentours de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars. J’avoue en ressentir d’avance une certaine fatigue. Cette débauche d’initiatives d’autant plus brillantes qu’elles ne passent pas le cap du printemps finit par me donner le tournis. La mise à l’honneur des droits des femmes, cela devrait être toute l’année, et pas seulement en mars.

“Historiques, pas hystériques”

Les colleuses parisiennes

C’est pourquoi aujourd’hui je veux simplement rendre hommage à toutes ces femmes, activistes ou non, qui n’attendent pas le mois de mars pour avoir des idées et s’impliquer. Parce qu’il faut choisir ces chevaux de bataille, je me suis plus impliquée sur le volet de l’égalité professionnelle, avec HEC Au Féminin et Grandes Ecoles au Féminin. Mais j’avoue aussi un petit faible, et un sursaut de fierté, quand je vois, sur les murs de nos villes, certains collages féministes qui interpellent les passant.e.s sur ces violences que continuent à subir les femmes, et que nos sociétés semblent incapables d’empêcher.

Ces collages, forcément éphémères, ont le mérite de rappeler cette vérité qui dérange: dans notre pays, les femmes ne sont pas à l’abri. Elles ne sont pas à l’abri dans les espaces publics, ni dans les espaces privés. Les faits ne sont pas nouveaux, mais ils sont de plus en plus insupportables. Il faut rendre grâce aux colleuses de rappeler quotidiennement sur nos murs, ce que les murs permettent d’ignorer.

Dans l’atelier d’écriture que je fréquente depuis quelques mois, il n’y a que des femmes, d’âges divers. Au gré des propositions de notre animatrice sont remontées des bribes de vie dont certaines nous ont sidérées. Il est toujours troublant de constater qu’aucune d’entre nous n’était exempte de souvenirs, d’expériences d’une “violence ordinaire” pour reprendre le terme d’une de nos participantes. Des expériences remontant par bribes, et dont une partie aurait pu aboutir à des condamnations pénales, mais qui ont été soigneusement enfouies par leur protagoniste, parce que “ça ne se faisait pas” (de rapporter), parce qu’elles auraient eu peur de ne pas être crues, parce que le perpétrateur était un proche estimé dans la famille, parce qu’elle n’a pas su réagir, parce que c’est elle qui aurait porté le stigmate de “dévergondée, dégueulasse, vicieuse, tordue”.

Ces femmes ont construit leur vie parfois malgré cela parce que, comme elles le disent, “il n’y avait pas mort d’homme”(sic), elle n’allaient pas ressasser le passé toute leur vie. Elles ont les moyens psychologiques et culturels pour le faire… Mais lorsque des phénomènes comme #metoo ont émergé, elles n’ont pas été surprises. Elles ont eu des bouffées de colère, des remontées de bile, contre les commentaires dubitatifs “quand-même, pourquoi parler aussi longtemps après, elles l’ont un peu cherché aussi non? Faut être sacrément naïve aussi!”. L’une de mes compagnes d’atelier décrit la nausée ressentie en constatant que malgré les mises en garde et les prises de conscience, on en soit encore là, que les jeunes générations de femmes, celles de nos filles et parfois de nos petites-filles, ne soient pas plus en sécurité aujourd’hui que nous l’avons été. Nous qui avons été jeunes à la fin du siècle dernier, nous qui avons profité de ce que les luttes féministes ont arraché le droit à la conception et à l’avortement, le droit d’ouvrir un compte en banque sans l’assentiment d’un père ou d’un mari, le droit d’intégrer les grandes écoles, la suppression du droit de la notion de “chef de famille”, etc. nous ne tolérons pas de voir que le patriarcat tient bon.

Aucun corps ne t’appartient en dehors du tien

Les colleuses parisiennes

Certains n’apprécient guère la provocation de ces oeuvres d’art éphémères, mais la passante que je suis les vit comme une manifestation de soutien, un clin d’oeil. Un petit encouragement à ne pas se laisser aller. “On te croit” dit un collage. Parce que souvent, les victimes de violences ont en plus la charge de démontrer que ces dernières ne sont pas le fruit de leur imagination. Parce que souvent on leur fait miroiter les conséquences de leur plainte pour l’agresseur. “Vous êtes sûre que vous voulez porter plainte? Vous en connaissez les conséquences? On va devoir le mettre en garde à vue. Pour vos enfants, vous avez réfléchi? Que vont-ils en penser?” s’est vu objecter une de mes amies en instance de divorce venue déposer au commissariat de son quartier après que son mari avait porté la main sur elle.

Bravo donc à vous toutes, les anonymes qui concevez et animez ces campagnes sur les murs de nos villes. Je déteste trop la foule pour manifester, mais je suis de tout coeur avec vous… Et en conclusion, un de mes collages préférés…