Fin de séquence électorale en Afrique du Sud. L’IEC, l’autorité électorale sud-africaine, a fini samedi 11 mai 2019 en fin de journée, le décompte des votes de la sixième élection législative depuis la fin de l’apartheid en 1994. Malgré quelques protestations autour de quelques incidents qui auraient émaillé la journée de vote du 8 mai, l’autorité électorale a estimé que tout s’était déroulé dans le calme, et que l’élection était valide.
Cette élection n’a pas bouleversé les équilibres existant entre les différentes forces politiques en présence dans le pays. Comme prévu, l’ANC reste majoritaire, avec 57, 50 % des suffrages, elle récolte toutefois une marge moins confortable que lors des élections précédentes, le DA, principal parti d’opposition a engrangé avec 20,77% des performances décevantes, en deçà des ambitions de ses leaders, quant à l’EFF (le parti des Economic Freedom Fighters), il a plutôt bien tiré son épingle du jeu, avec 10,79% des votes, profitant des déboires des deux autres principaux partis, et devenant le premier parti d’opposition dans trois provinces.
Zapiro’s cartoon @dailymaverick (8 May 2019) #Elections2019 #VotingDay – https://t.co/JXWdhys020 pic.twitter.com/OGzdtEdkDJ— Zapiro (@zapiro) 9 mai 2019
Ces élections sont une bonne et une mauvaise nouvelle pour l’ANC et pour Cyril Ramaphosa qui a pris la tête de l’ANC en février 2018, après la destitution de Jacob Zuma dont l’image s’était érodée notablement après les révélations du rapport sur le “state capture”. Bonne nouvelle, parce que les résultats prouvent que la méthode imposant Ramaphosa à la tête de l’ANC un an avant les législatives était la bonne tactique, et que cela a certainement permis à l’ANC de rester majoritaire. Ce résultat permettra par ailleurs à Ramaphosa de prôner la continuité de sa politique de réforme de l’ANC, de lutte contre la corruption et les prébendes dont bénéficiaient certains poids lourds du parti.
On peut espérer que feront partie de l’opération de nettoyage certains politiciens nuisibles comme le numéro Un du Free State, Ace Magashule, affidé de Jacob Zuma et toujours secrétaire général du parti malgré les nombreux soupçons de corruption et de détournement de fonds dont il fait l’objet. Ses turpitudes sont détaillées dans le livre du journaliste Peter Myburg “Gangster state”, paru le mois dernier en Afrique du Sud.
Ramaphosa était le favori du monde des affaires sud-africain. Le quotidien Business Day et The Economist avaient appelé à sa réélection. Le résultat permettra sans doute de rassurer Sandton et de ne pas engendrer d’exil massif des élites économiques.
Cependant, la situation du pays ne devrait pas s’améliorer comme par magie du seul fait de la marge confortable de l’ANC. Certes, le pays a échappé à des semaines de tractations de boutiquiers sur la constitution du gouvernement du fait de la persistance de la dominance de l’ANC sur la vie politique, mais l’influence de l’ANC s’érode lentement d’élection en élection. Seuls 66% des électeurs se sont déplacés cette fois-ci, alors que la participation était plutôt au dessus des 70% pour les élections précédentes, et une majorité de jeunes entre 18 et 35 ans n’ont pas voté.
Ramaphosa doit donc agir rapidement pour enrayer la lente désaffection des électeurs et surtout offrir des perspectives aux jeunes les plus défavorisés qui se retrouvent souvent avec des niveaux de chômage bien supérieurs aux 30% affichés officiellement. Les entreprises locales doivent retrouver la croissance pour pouvoir fournir des emplois. Or la croissance est obérée par un monde économique gangrené par la corruption et des pratiques qui obèrent la productivité des entreprises. Comme le cite ce rapport publié par Transparency International, la corruption impacte directement la croissance et ne contribue pas à la réduction des inégalités.
La marge de manoeuvre du nouveau président est étroite. Les derniers mois de la dernière législature, sous son impulsion ont vu fleurir les commissions d’enquête établissant des soupçons de corruption dans tous les domaines. Mettre hors d’état de nuire les corrupteurs et les corrompus serait souhaitable, mais risque de provoquer un séisme à l’intérieur du parti, tant celui-ci est atteint à tous les niveaux. Dans son discours d’hier il a dit avoir compris les messages de son électorat, reste à convaincre l’appareil d’un parti ou la politique de redistribution interne était moins une affaire de compétences que de poids électoral.
Les entreprises d’Etat, au bord du dépôt de bilan nécessitent des mesures drastiques. Comment faire, par exemple, alors que l’économie est atone, pour licencier sans douleur la moitié des effectifs pléthoriques d’Eskom. Un graphe qui circulait sur Internet avant les élections montrait que le nombre d’employés d’Eskom avait doublé entre 2008 et 2017 alors que la production en kilowatt-heures restait stable sur la même période. Les centrales sont dans un état épouvantable, n’ayant pas été maintenues pendant des années, contraignant l’entreprise à des délestages qui pénalisent entreprises et particuliers.
Les électeurs sont désabusés, tels les parents de la journaliste Pontsho Pilane (fort sympathique jeune femme du North West) qui notent fort à propos que si l’eau courante a été rétablie dans leur village la semaine avant les élections, elle devrait logiquement se tarir une fois les échéances électorales passées.
Bref, pas d’état de grâce en vue pour Ramaphosa, mais plutôt une équation difficile à résoudre. On lui souhaite bonne chance et bon courage!